Fév 082015
 

Quatre Petits Bouts de Pain -- Magda Hollander-Lafon -- Albin Michel

Mes mots sont fragiles, comme moi. « Comment transmettre cette mémoire sans la banaliser, sans l’alourdir, sans accabler l’autre ? »

J’ai conscience que ce serait destructeur d’enfermer la nouvelle génération dans une mémoire uniquement douloureuse.

« La question qui m’anime est : comment transmettre l’incommunicable avec des mots de façon à mobiliser en chacun un appel à la vie responsabilité, à la vie ?

Pour cela j’ai choisi une démarche pédagogique lorsque je suis invitée par des professeurs d’histoire à témoigner sur la déportation dans des lycées et des collèges. J’ai élaboré un questionnaire préalable à l’intention des élèves. Avec une dizaine d’entre eux, nous dépouillons les réponses, anonymes. Cela me permet d’ajuster mes questions et mes réponses face aux nombreux jeunes (entre centre cinquante et trois cents).

En général ils ont peur de me poser des questions ; cela ne viendrait-il pas de nous, les adultes, qui ne savons pas les interroger et partir de ce qui les intéresse ? Ce qui est important pour moi, c’est de susciter chez eux leurs propres interrogations ; ce n’est qu’à partir d’elles que je peux les appeler à leur propre vie. Leurs questions en disent long sur ce qu’ils vivent aujourd’hui.

Je les sens réceptifs, actifs. Le questionnaire les aide à dire leurs préjugés, leurs peurs, leurs ignorances, leurs haines. Certains arrivent à dire : « Je ne sais pas ». Je les félicite pour leur courage et je leur explique que celui qui arrive à dire « Je ne sais pas » est sur le chemin de la connaissance. Le savoir est important, mais s’il reste uniquement cérébral, pour moi il est vide de sens. La connaissance a une dimension éthique. »

Magda HOLLANDER LAFON