Mai 062015
 

logoL´exposition « A Contre-Courant, Solidarité et aide aux juifs poursuivis de Francfort-sur-le-Main et de la Hesse » a été inaugurée il y a 3 ans, le 8 mai 2012 dans le Musée de Francfort-Judengasse. L´exposition a donné des résultats impressionnants grâce aux années de recherches effectuées et grâce aussi aux nombreux entretiens avec les témoins qui ont pu être recueillis.

L´exposition ainsi que le programme engagé qui l´encadrait ont été accueilli avec grand intérêt par notre public. Peut-être justement parce que ce sujet a longtemps été passé sous silence et que les aidants et les aidantes, qui avaient agi si courageusement et en partie aussi au péril de leur vie, sont après 1945 restés très discrets sur leurs actions.

Les scientifiques estiment aujourd´hui que, pendant cette période du troisième Reich, dans les conditions extrêmes du régime nazi, 20.000 personnes auraient été prêtes à aider des juifs persécutés. L’aide courageuse apportée avait toutes sortes de facettes: elle variait de la transmission tout à fait spontanée d’adresses de solidarités, à la fourniture de denrées alimentaires, à l´organisation de faux papiers ou de cachettes jusqu´à sauver de la déportation. Plusieurs d´entre eux ont été honorés et reconnus « Juste parmi les Nations » à Yad-Vashem en Israël.

Le sujet continu à soulever des questions qui suscitent des controverses parmi les chercheurs. Quelques exemples:

  • D’une façon générale, quel danger cela présentait-il d’aider les juifs ?
  • Quelles était les motivations de ceux qui apportaient leur aide ?
  • Comment ces hommes réussissaient-ils pendant la période nazi à conserver leur orientation pleine d’humanité ?
  • De quelles marges disposait l’individu ou y avait-il un réseau ?
  • Y avait-il des « personnalités disposées, par nature, à aider » ?
  • Quelle était l’aide nécessaire pour sauver une vie humaine ?
  • Que signifiait l’échec pour celui qui aidait comme pour ceux qui étaient pourchassés ?
  • Pourquoi la société allemande d’après-guerre est-elle restée muette sur le sujet ?
  • Comment qualifions-nous aujourd’hui l´aide apportée?

L´exposition  » A Contre-Courant  » tente d´apporter quelques réponses à ces questions universelles en présentant plusieurs exemples d’histoires vécues dans Francfort sur le Main et ses environs restées plutôt méconnues jusqu´à aujourd’hui.
Les thèmes choisis présentent un nombre très varié d´actes de solidarité envers les juifs poursuivis: amour, amitié, solidarité et dévouement, amour du prochain, aide lors de l’émigration, dans le cadre du pogrom de novembre ou de persécutions, approvisionnement en denrées alimentaires, activités de faussaires, cachette, contacts avec les déportés, interventions pour sauver les gens de la déportation de masse, dans les camps de concentration ou dans l´ombre de la guerre d’anéantissement.

L´exposition se concentre sur des personnes ou des groupes: ceux qui aident, qui sauvent ainsi que certains réseaux de Francfort-sur-le-Main et de l´actuel Land de la Hesse. Des exemples de sauvetages réussis mais aussi de tentatives qui se sont terminées tragiquement, car en fin de compte très peu parmi les victimes de l´antisémitisme ont survécus. Un épilogue est consacré à la question de savoir pourquoi, après 1945, on est resté si longtemps muet sur ce sujet important au sein de la société de la République Fédérale d’Allemagne. L´une des raisons est peut-être qu´après la seconde guerre mondiale, avant tout en Allemagne de l’ouest, s’est imposée une conception restreinte de la résistance: des actions qui visaient spécifiquement la chute du régime nazi. L´aide apportée aux juifs pourchassés était à peine reconnue comme une résistance « sérieuse » et, par conséquent, n’était pas une composante de la mémoire collective. Il y a par là une différence fondamentale par rapport à la mémoire de la résistance politique française.

Je vous avouerais que j´ai, au départ, tout d´abord été surpris lorsque Madame Heike Drummer, historienne et membre de notre conseil d’administration m´a dit que la ville de Rennes ainsi que l´organisation « Vivre en Paix Ensemble » souhaitaient présenter l´exposition en Bretagne dans le cadre des manifestations prévues pour les 70 ans de la libération de la France. D´un point de vue topographique, les évènements se déroulent dans une région certainement peu connue en France, si ce n´est la métropole de Francfort-sur-le-Main. J´ai toutefois immédiatement été touché par la belle idée de voir les textes de l´exposition et le petit catalogue traduits par des élèves de la ville de Rennes avec l´aide de leur professeur pour les présenter à un public français. C´est la raison pour laquelle j´ai été favorable à ce projet. Votre intérêt nous honore et nous sommes très heureux de ce beau geste d´amitié franco-allemande.
Le projet est né de la coopération inhabituelle avec l´un de nos participants, Monsieur Ernst Knöß de Mörfelden-Walldorf près de Francfort-sur-le-Main que je remercie cordialement. Monsieur Ernst Knöß est le neveu de Wilhelm König – vous allez bientôt découvrir dans l´exposition le courageux et fidèle chrétien gérant d´une maison de retraite juive à Francfort sur le Main et son épouse Eva. Lorsqu’à partir de 1941/1942 l´on oblige les personnes âgées juives à se rassembler dans des maisons de retraite avant de les déporter, il empêche plusieurs fois l´accès de la maison de retraite aux SS.

Après 1945 Wilhelm König se remet immédiatement à la disposition de la communauté juive nouvellement fondée. En 1974 la communauté juive remercie le couple et leur remet une pièce de monnaie en or ainsi qu´un diplôme d´honneur concernant la plantation de 72 arbres en Israël.

Le 7 janvier 2013, au jour de l´anniversaire de la libération d´Auschwitz, notre exposition a reçu en récompense le prix de la commémoration Hosenfeld / Szpilman, un prix remis tous les 2 ans par l´université de Leuphana à Lüneburg. Wilm Hosenfeld officier de l´armée allemande (Wehrmacht) avait fait la connaissance de Wladislaw Szpilman en 1944 dans le ghetto de Varsovie. Il a sauvé le musicien et compositeur de la déportation dans le camp de la mort de Treblinka et lui a par la sauvé la vie. Le réalisateur français Roman Polanski a réalisé un film à partir de cette histoire authentique « Le Pianiste ». C´est également un thème de notre exposition. Le prix est très concrètement une marque de grande reconnaissance pour les années de travail de recherche effectuée par nos commissaires Monica Kingreen, Petra Bonavita et Heike Drummer.

J´adresse tous mes remerciement au groupe de travail du Musée Juif et de l´institut Fritz Bauer à Francfort, au créateur Karl-Heinz Best, à Ernst Knöß et son épouse Isabelle Girardin, à Magda Hollander-Lafon, à Bertrand Bernicot, ainsi qu´a tous les élèves et les professeurs qui ont participés au projet. Je souhaite que l´exposition à Rennes ait beaucoup de succès et toute l´attention qu´elle mérite.

Prof. Dr. Raphael Gross

Directeur du Musée Juif à Francfort-sur-le-Main

Avr 292015
 

L’émotion au rendez-vous de l’histoire !

Espoir & RésistanceRetour tout en émotion sur l’émouvant concert Espoir et résistance du 25 avril 2015 au TNB. L’un de ces instants uniques, comme suspendus, où la création artistique et la culture œuvrent à l’essentiel en affirmant lumineusement qu’elles sont non seulement une lutte mais surtout une victoire « contre ce nivellement universel qu’est la mort » (Pavel Florensky).

 

Voir l’article en entier sur UNIDIVERS.fr

Voir aussi: L’opéra Brundibar sur Ouest-France

 

Avr 132015
 

Publié originellement sur: Breizh Femmes

Rarement une salle aussi bondée que celle des Champs Libres ce jour-là n’aura été si attentive, si silencieuse, presque recueillie. La petite voix apaisante de Magda Hollander-Lafon ponctuée de longs silences, et celle, vibrante et énergique, de Marie-José Chombart de Lauwe racontaient l’horreur.

Et devant l’horreur, il faut d’abord se taire avant peut-être de se révolter.

Mais aucune violence dans les propos de ces deux femmes d’exception ; ce qu’elles ont rapporté des camps nazis voilà plus de soixante-dix ans, c’est bien sûr, le désir que passe la justice mais surtout beaucoup de sagesse et le poids du devoir de témoigner pour elles et pour toutes celles et tous ceux qui n’en sont jamais revenu-es.

affiche

L’une était juive de Hongrie, l’autre Bretonne d’une famille de résistance. La première, Magda Hollander-Lafon fut déportée avec les 450 000 autres juifs hongrois et près d’un million de tziganes. « Je viens d’une famille juive non pratiquante – raconte-t-elle – je ne savais même pas ce que ça voulait dire « juif » mais je n’ai pas eu le temps de chercher. On nous a dit qu’on allait travailler ; je me suis accrochée à ce mot, travail, mais intérieurement, je sentais qu’il y avait un danger qui nous guettait. »

A 16 ans, elle se retrouve séparée de sa famille au camp de Birkenau où le trop célèbre docteur Mengele a droit de vie et de mort sur ceux qui arrivent. « Notre vie dépendait d’un bâton qui allait à droite ou à gauche – se souvient-elle – Si j’allais à droite, je restais vivante ; à gauche,vingt minutes plus tard je n’existais plus ! » Comme sa mère et sa sœur, perdues dans les fumées qui se dégagent des hautes cheminées.

Aucune colère, aucune agressivité dans cette petite voix qui témoigne et qui raconte la douche, les cheveux rasés, les vêtements et tous les effets personnels arrachés. « Nous étions là pour mourir – dit encore Magda Hollander-Lafon – les résistants avaient choisi de sauver leur honneur, leur patrie, donc il y avait un sens à leur départ ; ils donnaient leur vie volontairement. Nous, nous étions là uniquement parce que nous étions juifs ! »

Rester des « êtres pensants » au cœur de la déshumanisation

rsistanteRésistante, Marie-José Chombart de Lauwe, elle, a fêté ses dix-neuf ans en prison après avoir été arrêtée à Rennes où elle était étudiante. La résistance est pour elle une histoire de famille ; « ce n’est pas une décision que j’ai prise comme ça ; c’est toute une éducation derrière » dit-elle évoquant des parents engagés et informés. « L’hostilité contre l’armée d’occupation, l’hostilité contre les idées racistes nazies, je les portais en moi depuis un bon moment déjà. »

Convaincue de terrorisme, elle est classée NN pour « nuit et brouillard » c’est-à-dire ceux qui devaient disparaître. Elle aussi évoque cette déshumanisation dès l’entrée du camp à Ravensbrück où se retrouvent toutes les femmes aux lourdes condamnations : les résistantes au triangle rouge comme les « droits communs » au triangle vert. Au total, vingt nationalités sont représentées. Mais pour toutes, plus question de noms ou de prénom, elles deviennent un numéro.

« On essayait de se grouper entre camarades résistantes françaises – dit Marie-José Chombart de Lauwe – non seulement pour survivre mais surtout pour tâcher de conserver notre dignité d’être humain, pour montrer qu’on était des êtres pensants et que jusqu’au bout on pouvait être capables de créer. »

« Nous pouvons résister d’une multitude de façons » dira encore Magda Hollander-Lafon. Pour la petite juive ce sera en devenant rebelle. « Je vais mourir, mais je ne vais pas donner ma vie comme ça » se disait-elle. Mourir pour avoir volé des épluchures de pommes de terre ou bien plus tard pour avoir saboté des vis destinés aux avions allemands ou faussé compagnie au convoi en déplacement, tout valait mieux que « mourir pour rien ». « Quand nous acceptons la réalité, nous pouvons inventer la vie » dit Magda Hollander-Lafon. Pour elle, la réalité, s’appelle la mort. « Je savais que j’allais mourir – dit-elle – Mais à partir du moment où nous acceptons de mourir, nous recevons une force intérieure et nous devenons audacieux. »

On n’est pas des moins que rien parce qu’on n’a plus rien

De leur côté, les femmes de Ravensbrück déploient elles aussi des trésors d’imagination pour que leur détention soit vivable. Au risque de leur vie, elles détournent des fournitures pour échanger des petits cadeaux : mouchoirs brodés, croix ou chapelets en fils électriques. L’amitié et la solidarité sont leur dernier rempart contre la barbarie. L’art aussi quand elles créent une chorale et chantent « clandestinement » dès que les surveillantes ont le dos tourné.

confRester « être pensant » pour l’une ; prouver et se prouver « que ce n’est pas parce qu’on n’a plus rien, qu’on est des moins que rien » pour l’autre. Les deux femmes ont en elles le même souffle de vie qui leur permet de traverser les épreuves. Qui leur permet soixante-dix ans plus tard de continuer à témoigner, à dire non seulement ce qu’elles-mêmes ont vécu mais ce que fut cette époque. « Quand je dis « je » sachez que c’est un immense « nous » que j’ai derrière moi – explique Magda Hollander-Lafon – A chaque fois que j’interviens je redonne vie à ceux qui sont morts et ils continuent à vivre en moi. »

Marie-José Chombart de Lauwe ne dit rien d’autre quand elle raconte ce jeune prisonnier qui allait mourir et criait par sa fenêtre de la prison de la Santé : « dites aux jeunes qui viendront que je suis tombé pour qu’eux vivent dans la paix. » « Je suis porteuse de ma mémoire – dit la vieille dame – mais aussi de la mémoire de tous ceux que j’ai vus fusillés. »

Face aux interrogations, aux doutes aussi, à son retour en Bretagne dans la maison familiale de l’île de Bréhat, Marie-José Chombard de Lauwe, aujourd’hui Présidente de la fondation pour la mémoire de la déportation, a très vite choisi d’écrire pour dire, à chaud, la réalité des camps.

Demain entre confiance et inquiétude

Magda Hollander-Lafon, s’est retrouvée seule, n’ayant plus aucune famille ni aucune attache, dans un pays étranger dont elle ne parlait pas la langue, la Belgique pendant dix ans puis la France. Et pour elle, c’est le silence qui accompagna une douloureuse renaissance. « Dans les camps, je n’avais pas peur de mourir, parce que je savais ce qui m’attendait – se souvient-elle – mais là, subitement, la peur m’a envahie. » Ou encore : « j’étais silencieuse ; je ne pouvais pas parler. »Et ce n’est que longtemps après qu’elle pourra écrire et témoigner notamment dans les établissements scolaires.

Si les parcours de ces deux femmes admirables ont été en bien des points semblables, elles portent aujourd’hui sur le monde un regard quelque peu divergent. La résistante reste combative quand elle interpelle l’auditoire d’un vibrant : « ne baissez pas les bras, gardez les yeux ouverts car tout cela n’est pas fini et il faut continuer à vous engager et vous battre pour que cette idéologie de haine cesse une fois pour toutes et pour toujours ! Soyez vigilants ; le germe du mal est en train de repartir ! »

Plus confiante en l’être humain, mais tout aussi concernée par l’actualité, Magda Hollander-Lafon dit quant à elle : « nous avons toujours à espérer. Pour moi, ce n’est que la solidarité qui peut sauver l’humanité ; la vie est toujours en devenir. Demain dépend de chacun de nous. »

Geneviève ROY

Pour aller plus loin :

Magda Hollander-Lafon a écrit trois livres : « Les chemins du temps » aux éditions ouvrières en 1977 – réédité en 1981 (épuisé) ; « Souffle sur la braise » aux éditions du Cerf (1993) et « Quatre petits bouts de pain » aux éditions Albin Michel (2012)

Marie-José Chombart de Lauwe a publié Toute une vie de résistance aux éditions Pop’Com (2002) et va sortir fin avril un nouveau livre « Résister toujours » aux éditions Flammarion

Voir aussi le site « Les amis de Magda »  et les événements à venir et à soutenir ; le site de la Fondation pour la mémoire de la déportation

Spectacle « Les Hommes » de Charlotte Delbo le 30 avril à 20h 30 au théâtre de l’ADEC, rue Papu. Cette pièce raconte l’histoire de huit femmes résistantes emprisonnées à Romainville avant d’être déportées à Auschwitz. Réservations au 02 99 33 20 01

Publié originellement sur: Breizh Femmes

Avr 032015
 

Marie-Jo Chombart de Lauwe et Magda Lafon, rescapées des camps de la mort dont on commémore le 70e anniversaire de la Libération, ont fait salle comble aux Champs Libres.

Dans une salle de conférences Hubert-Curien pleine à craquer, plus de 400 collégiens et lycéens ont écouté les témoignages de Marie-Jo Chombart de Lauwe et Magda Lafon, vendredi après-midi aux Champs libres.

La première, arrêtée en 1943 à Rennes, fut déportée à Ravensbrück parce qu’elle était résistante. La seconde, juive de Hongrie, fut conduite en 1944 à Auschwitz-Birkenau.

Une conférence publique ce samedi

Revenues de l’enfer, elles ont fait le récit de ce douloureux épisode et pris le temps de répondre aux nombreuses questions de l’assistance. « Pour qu’on n’oublie jamais et pour que plus personne ne vive ce que nous avons vécu. »

400 collégiens et lycéens venus de toute l'Ille-et-Vilaine ont écouté le récit des deux déportées et posé des questions.

Marie-Jo Chombart de Lauwe et Magda Lafon témoigneront de nouveau aux Champs libres, ce samedi, à 15 h 30, à l’invitation des associations d’anciens combattants et anciens déportés Anacr et Adirp. Entrée libre, dans la limite des places disponibles. Réservation conseillée, tél. 02 23 40 66 00.

Ouest-France  

Mar 252015
 

IMG_8598200 lycéens réunis pour un échange avec Magda.

Retour de Lucie, prof de français au lycée:

J’ai eu ce matin le retour d’une de mes classes, les élèves ont été touchés par votre intervention, plus particulièrement par votre franc-parler, votre naturel et votre foi en eux. Les professeurs ont apprécié que l’intervention se fasse sous la forme de questions/réponses car cela permet d’impliquer directement les jeunes.

Bref votre venue a enchanté notre lycée !

Mar 232015
 

AFP / Jack Guez

Olivier de Menton

« Je voudrais lui demander ce qui la pousse à venir nous voir pour raconter une histoire aussi dure. » Meddy et six de ses camarades de première technologique, au lycée Galilée de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), préparent leur rencontre avec Dina Godschalk, une survivante de la Shoah.

Cachée sous l’Occupation, Mme Godschalk échappa à la déportation des Juifs contrairement à plusieurs de ses parents qui périrent à Auschwitz.

Dans le cadre de leur participation au Concours national de la Résistance et de la déportation, le groupe de lycéens a retrouvé la trace de sa famille, dont la plupart des membres furent déportés, réussissant là où les archivistes avaient échoué.

La dernière survivante de la fratrie, âgée aujourd’hui de 81 ans, a décidé de faire le voyage depuis Israël, où elle vit depuis 1959, pour les rencontrer, le 24 mars.

« Pour rendre l’Histoire plus concrète, nous voulions nous concentrer sur des habitants de Gennevilliers », explique Aurélien Sandoz, l’un des professeurs d’histoire en charge du projet. D’abord les militants communistes déportés puis, à la demande des élèves, la cinquantaine de Juifs qui ont subi le même sort.

« Nous avons focalisé sur la famille Farhi car il y avait énormément d’incohérences dans les archives qui les mentionnaient », explique la documentaliste du lycée, Nathalie Tunc. Les documents officiels ne recensent pas tous le même nombre de membres de la famille déportés et d’enfants cachés à la campagne. Commence alors un véritable jeu de pistes qui va durer six mois.

Unique certitude, Albert, le fils aîné, est le seul à être revenu d’Auschwitz, mais on perd sa trace après son retour le 26 décembre 1945.

Nathalie Tunc et les lycéens décident de tenter leur chance sur Internet. Le nom d’Albert Farhi ne donne rien. Trop répandu. Ils auront plus de chance avec celui de sa petite soeur, Claire, dont ils pensent qu’elle a quitté Gennevilliers avant la déportation de ses parents, en compagnie de certains de ses frères et soeurs.

Pourtant, ça n’est pas gagné. Car Claire Farhi a changé de nom à son arrivée en Israël. Elle est désormais Dina Godschalk: « Je voulais laisser le passé derrière moi », expliquera-t-elle aux lycéens, « même si Claire est toujours à côté de moi ».

En 2012, elle a fait inscrire au mur des Justes de Yad Vashem le nom du comte Henry de Menthon qui les a cachés, elle et ses frères, Raphaël et Jean-Jacques, en Haute-Loire pendant la guerre.

– « L’impression d’être des héros » –

Sans trop y croire, les historiens amateurs contactent l’ambassade d’Israël à Paris et l’Institut français de Tel Aviv. Moins de 48 heures plus tard, Aurélien Sandoz reçoit un coup de fil. Dina Godschalk veut lui parler. « L’émotion était trop forte, j’ai eu quelques sanglots dans la gorge », raconte-t-il, la voix encore chevrotante.

Elle accepte de répondre rapidement par téléphone aux questions des lycéens. Mieux, elle souhaite venir les rencontrer à Gennevilliers dès que possible.

Grâce à elle, Paul, Rémi, Khaled, Quentin, Meddy, Ahmet et Charlène comprennent comment on a pu perdre la trace de la famille entière après la Libération.

« On a l’impression d’être des héros: on est jeunes, on est là pour apprendre et c’est nous qui donnons des informations et non le contraire », se réjouit Khaled.

Albert, revenu des camps, a très vite fui à Rouen et complètement renié sa judaïté. Les plus jeunes aussi ont oublié leurs origines, d’autant plus facilement que la famille était laïque.

Dina, elle, a fait le chemin inverse car, au moment de la laisser partir vers le sud de la France, son père lui a dit: « Ne te sépare jamais de tes frères et n’oublie pas que tu es juive ».

En Israël, Dina a raconté cette histoire d’innombrables fois. Jamais dans sa ville d’origine. « Je suis assez inquiète (…) j’espère que je ne les décevrai pas », confiait-elle à l’AFP à quelques jours de son départ.

Elle profitera également de l’occasion pour retourner voir les lieux où elle a grandi. A quelques pâtés de maison, seulement, du lycée Galilée.


Article publié sur AFP.com