Bertrand Bernicot

Mai 132015
 
Photo : Jérôme Fouquet / Ouest-France.

Photo : Jérôme Fouquet / Ouest-France.

 » Je m’appelle Pauline et je vais bientôt avoir 16 ans. Mais peu importe qui je suis… j’appartiens à la génération qui va vous succéder, à celle qui va devoir faire la France de demain, comme des millions d’autres jeunes. Je suis impressionnée de m’adresser à vous, comme ça, devant tout le monde… mais ce qui m’en donne le courage, c’est cette impression de m’adresser à des gens de ma famille. Vous pourriez être mon grand-père, ma grand-mère…

Oui je suis impressionnée, parce que je me trouve en face de l’idée même que je me fais du courage. Je m’adresse à des hommes et des femmes qui n’ont pas accepté qu’on leur prenne ce qu’ils avaient de plus précieux : leur liberté. La liberté d’aller et de venir, de dire ce que l’on pense, de lire ce que l’on veut, de prier ou de ne pas prier. Je m’adresse à des gens courageux qui ont risqué leur vie pour mon pays, qui ont souffert et qui ont perdu tant de camarades au combat ou dans un camp de concentration. Oui, je suis impressionnée… par cette façon que vous avez de cacher vos blessures, vos souvenirs les plus douloureux et de vous fondre dans l’anonymat après avoir tant donné.

Je suis aussi impressionnée par le courage de votre engagement. Pensez est une chose, mais agir avec tous les risques que cela comporte en est une autre. Qu’aurais-je donc fait à votre place ? J’avoue ne rien en savoir… Et quand bien même j’aurais pris le parti de m’engager comme vous, aurais-je été à la hauteur ? Je n’en sais rien.

Honneur à vous, à qui je dois et en partie d’être ce que je suis et le pays dans lequel je vis. Honneur à vos camarades morts pour la France et que vous avez vu tomber ou mourir d’épuisement. Ils sont dans vos cœurs… croyez le bien, ils sont aussi dans le mien  et dans le cœur de tous les jeunes.

Que ce soit sous l’uniforme, dans la résistance ou au cœur de l’univers concentrationnaire, vous avez su regarder l’autre comme un frère d’arme, un ami, un compagnon de misère. Dans vos rangs, il n’y avait plus d’étranger, de croyant ou de non croyant, de gens de gauche ou de gens de droite… simplement des frères qui aimaient la France et la liberté autant que vous et qui avait pris le parti, comme vous, de risquer leur vie pour quelque chose qui les dépassait. Votre union dans l’adversité vous a sans doute permis d’aller au-delà : vaincre votre peur, vaincre l’adversaire ou tout simplement survivre.

C’est pour cela que j’ai choisi de vous lire un vieux poème que vous devez sans doute bien connaître. Je pensais que ce texte appartenait au passé… mais 70 ans après, je me dis en moi-même qu’il est sans doute toujours d’actualité. »

 

Celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas…

Tous deux adoraient la belle, prisonnière des soldats.

Lequel montait à l’échelle ? Et lequel guettait en bas ?

Celui qui croyait au ciel ? Celui qui n’y croyait pas ?

Qu’importe comment s’appelle  cette clarté sur leur pas, que l’un fut de la chapelle et l’autre s’y dérobât :

Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas : Tous les deux étaient fidèles, des lèvres, du cœur, des bras, et tous les deux disaient qu’elle vive

et qui vivra verra… Celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas.

Quand les blés sont sous la grêle,  fou qui fait le délicat ! Fou qui songe à ses querelles au cœur du commun combat ! Celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas.

Du haut de la citadelle, la sentinelle tira par deux fois et l’un chancelle, l’autre tombe, qui mourra ?

Celui qui croyait au ciel ? Celui qui n’y croyait pas ?

Ils sont en prison.

Lequel a le plus triste grabat ? Lequel plus que l’autre gèle ? Lequel préfère les rats ? Celui qui croyait au ciel ? Celui qui n’y croyait pas ?

Un rebelle est un rebelle ! Deux sanglots font un seul glas !

Et quand vient l’aube cruelle passent de vie à trépas celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas ! Répétant le nom de celle qu’aucun des deux ne trompa.

Et leur sang rouge ruisselle ; même couleur, même éclat ; Celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas…

Il coule, il coule, il se mêle à la terre qu’il aima, pour qu’à la saison nouvelle mûrisse un raisin muscat.

Celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas : L’un court et l’autre a des ailes, de Bretagne ou du Jura. Et, framboise ou mirabelle…  le grillon rechantera !

Dites flûte ou violoncelle,  le double amour qui brûla ; L’alouette et l’hirondelle, la rose et le réséda.

Nous remercions Pauline CHEVALLIER et son père le colonel CHEVALLIER conseiller en communication du général de corps d’armée de Saint-Chamas de nous avoir autorisés à vous offrir ce texte écrit et lu le 8 mai 2015 par cette jeune fille de 16 ans, place de la Mairie de Rennes, dans le cadre de la commémoration de la Victoire de la Liberté.

Mar 122015
 

3èChalaisAuschwitz« Birkenau. Ce nom évoque pour nous l’immensité et le silence total. Ce silence est celui d’aujourd’hui et contraste avec les cris de souffrance, de haine et d’humiliation qui résonnaient dans les camps, à l’époque de la folie hitlérienne. Notre travail nous permet de comprendre ce que serait à nouveau notre monde si nous cédons aux mouvements racistes, antisémites, si nous tolérons que s’étendent les inégalités. Qui nous dit qu’un mouvement semblable au nazisme n’émergera pas à nouveau ?  »
DJ, élève de 3e du collège rennais Les Chalais  (cette classe a été accompagnée par Magda pendant plusieurs mois en 2005, avant la visite et après la visite à Auschwitz-Birkenau).

LE SITE réalisé par les jeunes et leurs professeurs

LES PARTENAIRES de ce projet : le Mémorial de la Shoah, la Fondation nationale pour la mémoire de la Shoah-Paris, la Fédération nationale André Maginot, la Ville de Rennes, le Conseil Général d’Ille-et-Vilaine, le Contrat de Ville Bréquigny-Champs-Manceaux Rennes, l’Union des Associations Interculturelles de Rennes (UAIR).

« Je me suis souvenu d’avoir eu froid alors que j’étais chaudement habillé. »

« J’ai été surprise qu’aucun oiseau ne vole et qu’il n’y ait aucun bruit. Je crois que les oiseaux ont aussi compris que dans ce camp là il s’est passé quelque chose de terrible. »

Les autres impressions des collégiens.

L’IMPLICATION ORIGINALE DE TOUTE UNE EQUIPE PEDAGOGIQUE sur ce projet intitulé La Route de la Mémoire
Ici, à côté du professeur d’Histoire-Géographie, c’est toute une équipe pédagogique qui s’est mobilisée pour donner sens et apporter des terrains différents d’approche et de travail : musique, français, langue, CDI.

Comme à chaque fois  que Magda intervient dans des classes, cette démarche est menée en intelligence avec les professeurs impliqués, ici Gilles OLLIVIER, professeur d’Histoire-Géographie dans ce collège en 2005 : « Étudier les génocides permet de comprendre le processus de l’exclusion et de la discrimination. Et comment ils peuvent mener à l’extermination. Cela oblige à remettre en question son propre comportement vis-à-vis de l’autre. » A partir de la Mémoire de la Shoah, les jeunes ont aussi été amenés à distinguer la déportation des juifs de celle des résistants, et ont travaillé aussi sur d’autres génocides, dont un qui touchait plus particulièrement les jeunes car plus récent, celui du Ruanda.

AIDER LES JEUNES A S’EXPRIMER
Les mots posés par les professeurs et les témoins de la Shoah sont bien-sûr d’une grande importance… l’enjeu est aussi celui des mots des jeunes eux-mêmes. Les jeunes ont ainsi été invités à écrire sur les photos prises là-bas, sur les ressentis et pensées avant et après ce « voyage ».

31 photos ont été sélectionnées ; pour chacune d’elle, les questions Que retenir ? Que transmettre ? Sous chaque photo, souvent regroupées par deux, un texte écrit par plusieurs jeunes.

Le travail proposé ici par les professeurs de cette classe du collège Les Chalais a consisté à s’appuyer sur cette distanciation que permet le langage, pour passer d’une émotion ressentie à une émotion exprimée, pour passer de l’émotion au travail de compréhension, pour passer de ce qui pourrait ne pas concerner… à un engagement concret en tant que citoyen responsable de la construction de la Vie de la Cité, ici et maintenant.

C’est bien parce qu’il s’agissait d’une démarche réfléchie et d’une véritable fonction contenante des professeurs que le Mémorial de la Shoah avait alors accepté que ces jeunes prennent des photos pendant leur visite.

Prise de photographies qui a aussi permis aux jeunes de s’interroger sur le sens des images, sur les limites elles-mêmes de la photographie,des images, de celles qu’ils peuvent voir aussi aujourd’hui.

Il ne s’agit évidemment pas de photos de voyage mais de capacité donnée aux jeunes de s’approprier, au travers d’un objet du quotidien, une réalité qui dépasse chacun, de donner du sens à travers leurs capacités créatrices. Capter aussi à travers le média de la photographie une immensité, un vide et un silence qui peuvent effrayées… et laissées sans voix. Il y a ici un choix judicieux de proposer sur chaque page de ce recueil de photographies deux photos sur le même thème… comme si chaque jeune n’était pas laissé seul avec l’émotion qui l’avait saisi lors de la prise photographique.

 » Je pense que ça va être la seule fois dans notre vie que l’on va avoir un voyage aussi impressionnant. Cela risque d’être fort en émotion. C’est une expérience unique ! Nous allons marcher sur les pas de milliers de personnes qui sont mortes en ce lieu ! Cela me fait un peu peur de partir là-bas car c’est quelque chose de terrible qui s’y est passée (…) Avant de partir, je pensais que ce voyage allait être difficile. Mais après cette journée, je me suis rendue compte que c’était plus dur que je ne le pensais. Quand je suis rentrée dans le camp, ce qui m’a le plus stupéfaite a été l’immensité et le calme qui y régnait. Sur les lieux, je ne me rendais pas bien compte de l’horreur que cela a pu être, mais en arrivant chez moi, quand je me suis posée et que j’ai repensé à Auschwitz, cela m’a beaucoup émue et m’a beaucoup travaillée. Je trouve que faire ce projet nous permet de mieux connaître la vie et de mieux la construire pour plus tard.  »
Position là encore originale qui place les jeunes comme acteurs, intelligence des porteurs du projet qui ont amené les jeunes à présenter et expliquer leurs photos à des élèves d’une classe de CM2 de leur quartier.

 » Dans le camp de concentration, transformé en musée, ce sont les vitrines qui m’ont le plus impressionnée, une particulièrement, la vitrine dans laquelle j’ai vu les petites chaussures et les vêtements de bébés. Pour moi, cela a été une journée remplie d’émotions mais je ne me rendais pas encore bien compte de ce que je ne venais de voir en rentrant… Ce n’est qu’en parlant avec Magda Lafon et avec du recul que j’ai réalisé ce que j’avais vu. Cela a été très difficile de raconter ce que j’avais vu et ressenti là-bas à Magda, car je me disais que lorsque nous mentionnions des endroits du camp, elle posait forcément des images… ses propres images. » Elodie

L’ACCOMPAGNEMENT DE MAGDA HOLLANDER LAFON
Magda a accompagné cette classe tout au long d’une année, avant et après la visite, au travers de rencontres guidées par les réponses des jeunes à différents questionnaires.
 » Mes sentiments ne sont pas apparus sur les lieux mais au retour à Rennes. Pouvoir s’exprimer auprès de Magda Hollander Lafon fait beaucoup de bien. Cela fait du bien de dégager tout ce que l’on a à l’intérieur de nous. » Mélissa

Ces rencontres ont aussi permis de faire entendre que la mémoire de la Shoah, c’est aussi par exemple se reconnaître dans ses spécificités. A Rudy, collégien originaire de Haïti, « Avez-vous un jour regretté d’être juive ? », Magda répond « Non, jamais. Tes origines, c’est une richesse dont tu dois être fier toute ta vie. »

Levier essentiel de la démarche de Magda : l’écoute des jeunes  » Vous voulez savoir ce que j’ai vécu, mais je veux d’abord vous connaître et vous entendre. »

Pour mieux comprendre la place particulière de Témoin de la Shoah, voir aussi notre article du 21 février dernier « Je ne pouvais plus me taire ».

AUTRE ORIGINALITE DU PROJET : un documentaire professionnel
Les réalisateurs Hubert BUDOR et Matthieu CHEVALLIER ont suivi cette classe tout au long de l’aventure et réalisé un documentaire intitulé « L’Histoire en cours » qui intègre les échanges avec Magda et le voyage au camp. « En tant que documentariste, poursuit Hubert Budor, ce qui m’intéressait c’était d’avoir la parole des jeunes. Et puis leur voyage à Auschwitz donnait du poids au projet (…) Si on laisse le temps à cette jeunesse de prendre des responsabilités, l’avenir est plein d’espoir. »

Pour plus d’éclairage sur la démarche et les questions que se sont posées les deux cinéastes (sur le droit de prendre des images de ce lieu,…).

REACTIONS DES PORTEURS DU PROJET 10 ans après
Gilles OLLIVIER : « Ce projet s’inscrit toujours et encore dans le temps et une société à construire pour bien vivre ensemble, pour construire ensemble. Il témoigne d’une énergie et d’une confiance partagées entre adolescents et adultes pour un possible meilleur. J’envisagerai aujourd’hui ce projet exactement de la même manière quant à la place philosophique, spirituel à donner à l’humain, certes dans un contexte plus sombre et plus difficile. Raison de plus. Puisse cette route de la mémoire, ce cheminement, proposé au sein de l’Ecole laïque, cette rencontre, ce dialogue avec Magda avoir donné à ces adolescentes et adolescents d’hier, femmes et hommes d’aujourd’hui, la force de continuer d’aller vers les autres, la conscience d’avoir la responsabilité d’autrui et la chance de se construire ensemble, avec les autres ».

Mar 112015
 

Un autre regard sur la violence ou Le défi et l’audace de la non violence
conférence-débat, jeudi 9 avril 2015, à 18h, à la Direction de quartier sud-ouest, 1 place de la Communauté à Rennes (sortie métro Clémenceau)

Dans une société divisée, marquée par des relations fréquemment empreintes de violence, et dans tous les aspects du quotidien,  peut-on oser l’audace d’aller vers la moindre violence ?

La violence est-elle inéluctable, inévitable ?

Comment vivre ensemble en se respectant, soi même et les autres ?

Quelle place choisit-on de donner à la non violence ou à la moindre violence possible ?

LES INTERVENANTS :

Christian Lucas, ancien directeur d’un établissement pour enfants psychotiques à Poligné, actuellement formateur et médiateur à l’IFMAN. Il intervient sur la régulation non violente des conflits.

Gilles Clainchard, psychologue au Service de Soins pour adolescents et jeunes adultes du C.H.G.R.

Salah Eddine Abbassi, doctorant chercheur en criminologie, a publié « La Mawuda du XXIème, Victime du mariage forcé. »

Mohammed Loueslati, aumônier au centre culturel Avicenne.

Marie Clainchard, ancienne journaliste, a publié le livre « L’Avenir est en nous ».

Fatimata Hamey-Warou, présidente fondatrice de l’Association franco-nigérienne des droits de la femme au Niger (MATA) et responsable du Pôle Séniors UAIR.

Mohammed Idali, artiste, calligraphe et poète.

 

À l’initiative de Aomar SABIR professeur au lycée Brocéliande et de Lynda MENHOUDJ responsable de l’action, psychologue en libéral, enseignante bénévole et animatrice de clubs de société à l’Association Étude Plus Rennes – 11, rue Louis et René Moine – Rennes Tél. 02.99.53.14.26  –  mail : rennes@etudeplus.org

Son directeur, Ibrahima Diallo.

 

Participation libre

 

Mar 052015
 

 » Für Humanität, Frieden und Freiheit verantwortungsbewusst handeln« . Der deutscheText.

Ernstàl'expo

Le patient travail conceptuel, d’hommes et de femmes droits commence à porter des fruits en Allemagne : une nouvelle façon de penser émerge timidement dans certains groupes de la population et trouve la force de se présenter publiquement, avec un certain espoir de réussite.

Je voudrais contribuer à ce que l’impuissance muette des justes se transforme en paroles claires  de vérité, d’éclairage et de connaissance.

A la suite du « Saint empire germanique de nation allemande », l’empire allemand de 1871, la 1ère guerre mondiale, la République de Weimar, l’époque nazie, la division de l’Allemagne pendant la guerre froide ont marqué, dans l’histoire récente,  les rapports de force en Allemagne ; la psychologie des peuples, leur conscience, leur subconscient, la spiritualité et la conscience des individus, les thèses et les pratiques de l’économie néolibérale ont profondément été marqués par le quadrige de la Peur, de la Culpabilité, de la Souffrance et de la Mort.

Le sujet, les lieux et les dates de l’exposition offriront l’opportunité de présenter de façon exemplaire, au-delà des régions et nations, des hommes et des femmes qui, mus par un humanisme profond, agirent avec sincérité et responsabilité.

Si l’on tient compte de l’efficacité et de la portée de la résistance, au III° Reich elle ne fut pas le fait des castes au pouvoir, ni de l’administration ni des élites du système. Les résistants se trouvaient surtout parmi ceux qui à contre-courant avaient gardé le courage, de l’humanisme et l’amour, donc parmi les gens humbles, communs. En conséquence la résistance eut des facettes multiples.

La nouvelle façon de penser perceptible actuellement et ma propre vie de 1945 à aujourd’hui, m’ont motivé à participer à cette exposition par deux modules. Les témoins oculaires sont irremplaçables.

Seul celui qui a vécu intensément, est à même de comprendre ;

Celui qui a un vécu, peut le rapporter ;

Celui qui a observé, peut le décrire ;

Seul celui qui est ému profondément, peut saisir ;

Celui qui est touché, est capable d’empathie ;

Celui qui est bouleversé, ressent de la compassion ;

Les souffrances, la culpabilité, la mort, la peur et la puissance peuvent être sublimées en progrès humains comme l’humanisme, la responsabilité, la dignité, la vérité et la équité. C’est précisément cette voie à laquelle on ne peut renoncer et qu’on doit poursuivre. C’est la voie vers la paix, l’amour et le sens.

L’homme est ce qu’il est par la cause qu’il épouse, et il devient humain en se donnant à l’autre.

Ernst Knöß

Traduction par nos amis de l’Association d’Amitié Franco-Allemande de St Gilles – Présidente Ulrike Huet

IN DEUTSCH

Fév 282015
 
"Against the Tide" at the Jewish Museum in Frankfurt

« Against the Tide » at the Jewish Museum in Frankfurt

Notre ami Marc Schindler-Bondiguel, professeur d’histoire-géographie au lycée Chateaubriand à Rennes, a accompagné avec ses collègues de la section bi-nationale (AbiBac) 47 élèves de la classe de Première pour participer à la traduction de l’exposition « A contre Courant. »
Unser Freund Marc Schindler-Bondiguel, Geschichts-und Geografielehrer am Lycée Chateaubriand in Rennes, hat mit seinen Kollegen und 47 Schuelern der Première-Klasse der (binationalen) AbiBac-Sektion an der Uebersetzung der Ausstellung « À contre Courant » teilgenommen.

 » Erklären, was geschehen ist, um die Welt von heute besser zu verstehen, und um vielleicht sogar die Welt von morgen besser mitzugestalten. Das ist der Sinn der „Geschichte“. Selten geht es dabei jedoch um das Individuum, um die „kleine Geschichte“. Diese kommt oft nicht vor, zum Beispiel wenn die „große Geschichte“ so unsagbar erdrückend und bedrückend ist wie die Periode des Nationalsozialismus in Deutschland und seiner Herrschaft in Europa. Die Ausstellung „Gegen den Strom“ verbindet die kleine und die große Geschichte auf wundersame Weise. Allgemein und schulisch, wie auch persönlich.

Seit langer Zeit wird der zutreffende Umstand, dass nur wenige Deutsche Widerstand gegen den Nationalsozialismus geleistet haben, damit erklärt, dass es ein „Widerstand ohne das Volk“ war. Die überwiegende Mehrheit der deutschen Gesellschaft hat zwischen 1933 und 1945 loyal zum NS-System gestanden, darin einen Sinn gefunden, davon profitiert. So unterschiedliche Gruppen wie bekennende Christen, organisierte Arbeiter (ob Sozialdemokraten oder Kommunisten), engagierte humanistische Studenten oder wertkonservative Militärs, die gegen das System opponierten, befanden sich in der Minderheit. Dieser gemeinsam organisierte, politische Widerstand, der die Beseitigung des Unrechtssystems und die Beendigung des Krieges zum Ziel hatte, sollte wenig Erfolgschancen haben angesichts eines äußerst effizienten Dispositivs der Repression und Verfolgung. Menschen in Deutschland, die in dieser Zeit nicht mit dem politischen und sozialen Geschehen einverstanden waren, blieben auf sich selbst zurückgeworfen, alleine. Oft, wie in einer menschenarmen Wüste, blieben ihnen als Individuen „nur“ ihr Gewissen, ihr Menschsein, ihre grundsätzlichen Werte. Keine Vergewisserung durch Andere, keine Möglichkeit, ihrer Empörung und ihrer Opposition öffentlich und gemeinsam mit anderen Menschen Ausdruck zu verleihen. Jede individuelle Äußerung einer Resistenz konnte das Schlimmste bedeuten.

Die Menschen, die verfolgten Juden Schutz boten und versuchten, deren Leben zu retten, handelten aus vielen, individuell unterschiedlichen Gründen: aus Gewissensfragen, aus christlicher Nächstenliebe, aus Freundschaft, aus ideologischer Überzeugung,  aus Liebe, aus Loyalität…. Die Ausstellung „Gegen den Strom“ zeigt Geschichten von Menschen „wie Du und Ich“, die eine universelle Aussage und dadurch einen unschätzbaren Wert haben. Wie verhält sich der Mensch, wenn er mit Unrecht, mit dem Unerträglichen konfrontiert ist? Wieviel Mut braucht es? Was hält ihn davon ab? Was ist eigentlich menschlich, wo liegen die Grenzen der Menschlichkeit?

Als das Projekt „Gegen den Strom“ an uns herangetragen wurde, hat mich diese zutiefst menschliche Dimension der Ausstellung sofort angesprochen. Zusammen mit meinen Kollegen waren wir uns schnell und intuitiv einig, dass in ihr ein großer Lern- und Erkenntnisgewinn für unsere Schüler und für  uns Selbst liegen könnte, der weit über das reine Geschichtswissen hinausgeht.

Dieses Projekt erweitert unseren allgemeinen wie auch persönlichen Blick in die Geschichte. Es zeigt, welche oppositionellen Handlungsmöglichkeiten ganz normale Menschen in der deutschen Gesellschaft zwischen 1933 und 1945 hatten. Und eben diese Frage stellt sich in Deutschland in vielen Familien. Es ist der Ort, an dem die kleine auf die große Geschichte trifft.

In deutschen Familien weiß man oft nicht, inwiefern Groß- und Urgroßeltern dem NS-Regime zugestimmt haben und ob sie aktive Täter waren. Die erste und vor allem die zweite Generation der nach dem Krieg Geborenen kennen häufig Geschichten von Opas und Uropas, die gute Menschen gewesen sind und den Kindern in Russland und in Frankreich Schokolode geschenkt haben. Einmal nachgefragt war die Antwort oft: Wir haben von alledem Nichts gewusst. Mulmig, unangenehm oder peinlich konnte es aber dennoch werden, wenn es vorkam, dass die mitunter liebevollen Großeltern verächtlich von dem einen oder anderen „dreckigen Juden“ im Ort sprachen. Kinder haben ein besonderes Gespür für solche (emotionalen) Widersprüche. Andere Männer der Familie nutzten Geburtstage, um den Kindern im Spielzimmer von ihren virilen (und oft sadistischen) Kriegsgeschichten zu berichten. Dies passierte im Kinderzimmer, denn in Deutschland nach 1968 war es unmöglich geworden, diese „Heldentaten“ öffentlich oder gar im Kreise der versammelten Erwachsenen kund zu tun. Private Nachforschungen konnten ergeben, dass Urgroßväter keine normalen Soldaten waren, sondern in der Totenkopfdivision der Waffen-SS ihren Dienst versahen. Ist es möglich, dass diese Männer gute Menschen waren und den Kindern Schokolade geschenkt haben?  Lokale „Geschichtswerkstätten“ (eine zivilgesellschaftliche Bewegung der 1980ger Jahre zur Förderung der Alltagsgeschichte oder auch „Geschichte von unten“, in der Historiker, Studenten und Laien zusammen die lokale Geschichte erforschten) gelang es, ein klares Bild zu zeichnen: Juden wurden in der Regel öffentlich vom Marktplatz und vom Bahnhof aus in Konzentrationslager deportiert. Hatten die Großeltern wirklich nichts gesehen und nichts gewusst? Handelte es sich also um Verdrängung, Selbstschutz oder gar Vertuschung? Manchmal gab es, wenn auch selten, Dissonanzen. Hakte man nach, dann konnte es einen Bruder der Urgroßmutter geben, der schon vor dem Krieg viel Mut bewiesen hat und im Krieg mit allen Mitteln versuchte, ein aufrechter Mensch zu bleiben….

Als „rein“ deutsche Geschichte zeigt die Verstrickung der kleinen mit der großen Geschichte zweierlei. Sie zeigt erstens, dass wir oft nicht in der Lage sind, über die individuelle Verstrickung der Einzelnen zu urteilen. Es ist schwer, gar unmöglich auf Fragen wie „Wie hätten wir uns in einer solchen Situation verhalten, wieviel hätten wir gewusst, was hätten wir gemacht?“ eine Antwort zu finden.

Sie zeigt zweitens, und in diesem Punkt gibt es eine Gemeinsamkeit mit der Ausstellung „Gegen den Strom“, dass die Menschen in einem „totalen“ Unrechtssystem und im Krieg wahrscheinlich mehr als einmal mit Situationen konfrontiert waren, in denen sie sich für oder gegen Etwas entscheiden mussten. Was sagt mir mein Gewissen? Ist das was geschieht, ist das was ich sehe, mit meinem Gewissen vereinbar? Welche Werte habe ich?

In der Ausstellung „Gegen den Strom“ finden wir viele Beispiele dafür: Die Geschichten der Menschen, die verfolgten Juden Schutz boten und versuchten, deren Leben zu retten, zeigen, dass mutige Menschen eine ganz individuelle Verantwortung für sich und andere übernommen haben. Und dies oft ganz still. Sie sind einmal als „stille Helden“ bezeichnet worden.

Die Ausstellung „Gegen den Strom“ zeigt, dass die Verbrechen des Nationalsozialismus für Deutschland und für die Deutschen keine Frage der Schuld sein können, sondern eine Frage der Verantwortung sind.

Ich hoffe, dass dieses Projekt einen kleinen Teil dazu beitragen kann, dass Menschen, insbesondere der jungen Generation, sich verantwortlich fühlen und verantwortlich handeln. Vor der Geschichte, im Heute und in der Zukunft. »

Marc Schindler-Bondiguel

Professeur d’histoire-géographie en section AbiBac, Lycée Chateaubriand Rennes

Fév 212015
 

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Histoire et mémoire : le camp d’internement des Nomades de Rennes 1940-1945

Un document important à lire !

 

Qui connaît l’existence d’un camp de nomades à Rennes de 1940 à 1945 ? Et si à Rennes, elle a été longtemps laissée sous silence, que dire des autres camps en France et ailleurs pendant la 2è guerre mondiale ? Le travail de mémoire ne concerne pas que les vaincus…

Novembre 1940 : ouverture à Rennes, dans la périphérie Sud-ouest, du camp départemental dit «des nomades », dit parfois du Pigeon Blanc, rue Leguen de Kérangal, sous la tutelle de la Préfecture d’Ille-et-Vilaine. Le camp est entouré d’une clôture de fils barbelés. Le terrain a une surface de 100 mètres de long sur 90 mètres de large et est occupé par deux bâtiments.

 Nous avons voulu mettre dans notre blog une publication exemplaire du travail de mémoire mené au sein de l’Ecole Républicaine (avec les élèves de la classe de Première Littéraire du lycée Chateaubriand à Rennes) en lien avec des acteurs de la Vie de la Cité (le MRAP 35, l’AGV 35/Accueil des Gens du Voyage) et avec la collaboration des services de l’Etat (ici les Archives départementales d’Ille-et-Vilaine). Réalisé en 2011-2012, ce travail a « abouti » à la pose d’une plaque commémorative en mai 2013 rue des Frère Moine en présence du Maire de Rennes.

Le MRAP précise : « Le camp de Rennes était un camp d’internement au régime moins sévère que les tristement célèbres Moisdon-la-Rivière, Montreuil-Bellay ou Jargeau : les hommes pouvaient sortir pour travailler, les enfants aller à l’école, certaines familles y vivaient dans leur roulotte. Mais les conditions de vie, d’alimentation, d’hygiène y étaient très précaires. Ils vivaient sous la contrainte. On n’y enfermait pas dans un cachot. Mais on sait désormais que certains sont partis vers une destination inconnue… camps plus répressifs ou camps de concentration ?

C’est le gouvernement français qui avait décrété dès avril 1940 leur interdiction de circuler. Puis, à la demande des autorités d’occupation, c’est le gouvernement Pétain qui a organisé leur internement. C’est ce même gouvernement qui a laissé déporter vers les camps de concentration des «Tsiganes » en nombre inconnu, quelques centaines, un millier? S’il n’y eut qu’un nombre limité de décès de Tsiganes français, ceux qui sont revenus de ces camps en ont gardé sur le bras le tatouage, et dans la tête l’indicible.

C’étaient des gendarmes français qui allaient chercher les récalcitrants pour les enfermer dans les camps d’internement et les y gardaient. Et c’est le gouvernement de la Libération qui les a maintenus dans les camps jusqu’en janvier 1945 à Rennes, jusqu’en mai 1946 au camp des Alliers à Saliers ».

 Gilles OLLIVIER, professeur d’histoire-géographie, indique la méthodologie choisie pour ce travail :

« Le projet pédagogique sur le camp des nomades de Rennes (1940-1945), dont la publication témoigne ici, a été mené avec les élèves de la classe de Première Littéraire du lycée Chateaubriand à Rennes, répartis en huit groupes thématiques afin de faciliter la mise en question et la problématisation du passé.

Ils étaient encadrés par leurs professeurs d’histoire-géographie et de lettres, Madame Marie Authié, ainsi que par le professeur relais des Archives d’Ille-et-Vilaine. Le partenariat avec le MRAP 35 et AGV 35 ne pouvait que donner une perspective plus large à leur recherche, en lien avec la fonction sociale de l’histoire dans la cité, et non plus uniquement scolaire, dans le respect des programmes. Les élèves ont pu découvrir et critiquer, essentiellement pour l’année 1942, des archives conservées aux Archives départementales, complétées par celles conservées aux Archives nationales.

C’est par souci de discrétion que nous avons choisi de masquer les noms des différents protagonistes. Les élèves ont été d‘emblée dans leur culture, la culture écrite. Cependant, assez rapidement, à la lumière des limites des archives écrites, souvent administratives et souvent à charge pour justifier l’internement des nomades, ils ont éprouvé la nécessité de la collecte de témoignages singuliers et des archives orales, afin d’introduire du sensible et d’approcher les femmes et les hommes au-delà des stéréotypes.

Ainsi, la notion de point de vue, génératrice de distanciation, s’est imposée. Par l’intermédiaire d’une rencontre avec la médiatrice culturelle des Archives municipales de Rennes, ils ont pu appréhender la méthode de la collecte orale et se rendre compte que si un témoignage, nécessairement subjectif, ne pouvait à lui seul être une analyse historique, une histoire de vie était en même temps porteuse d’histoire. De plus, par leur souci d’aller vers les gens du voyage sur leur terrain, pour leur rendre compte et leur lancer un appel, les élèves, futurs citoyens, ont montré leur désir de rencontre, sans préjugés, et leur respect d’une culture autre que la leur.

Faire de l’histoire, même en amateur de plus en plus éclairé, passe aussi par la mise en récit. Il a fallu parfois s’y prendre à plusieurs reprises pour une restitution écrite, dont témoigne cette publication, et une restitution orale, destinées à rappeler aux Rennais que l’histoire du camp des nomades est une histoire qui ne concerne pas que les gens du voyage, mais bien la Ville de Rennes et ses citoyens. Par leur travail mené avec enthousiasme, les jeunes ont contribué à un devoir d’histoire. Cela ne s’est pas démenti tout au long de l’année scolaire, preuve d’une coexistence harmonieuse possible des mémoires et de l’histoire au sein de l’École de la République.

À condition d’une pratique démocratique, capable de reconnaître l’histoire de tous, ouverte sur celle des autres grâce à un regard décentré. C’est ainsi que nous aurons des élèves concernés par les événements, par les possibles, les changements à venir, d’une histoire commune qui fait lien. »

Ajoutons ici un extrait des propos de Jean-Yves PRAUD, Président d’AGV 35 :
« Cette démarche permet de remettre en évidence un chapitre noir de notre histoire. Beaucoup moins connue que la contribution du gouvernement de Vichy à la «solution finale», l’internement et la déportation des «Tziganes » s’inscrivait dans la même logique d’élimination des différences.

L’équipe d’AGV35 s’est mobilisée pour accompagner ce projet initié par le MRAP en organisant notamment des rencontres entre les lycéens et les gens du voyage. Ces derniers ont apprécié l’intérêt que ces jeunes portaient à leur histoire. Il convient qu’en des temps où l’on voit renaître une stigmatisation des différences, nous n’oublions pas. »

Fév 212015
 

GER-0178-13 Hollander-Lafon Cover RZ.inddIn Birkenau winkte eine Sterbende mich zu sich hin. Sie öffnete ihre Hand. Darin lagen vier Stückchen verschimmeltes Brot. “Nimm”, hauchte sie. “Du bist jung. Du musst leben. Du musst das bezeugen, das aller hier. Damit es nie wieder geschieht, nirgendwo. »
Ich habe diese vier Stückchen Brot genommen. Ich habe sie gegessen, vor ihren Augen. Ich has in ihren Augen, dass sie gütig war – und dass sie sich aufgegeben hatte. Ich war sehr jung. Es war fast zu viel für mich, was sie mir gegeben – und damit aufgetraben – hatte.
Lange Zeit hatte ich dieses Erlebnis vergessen.

1978 behauptete der französische Journalist, militante Antisemit and rechtsextreme Politiker Darquier de Pellepoix : “In Auschwitz wurden nur Läuse vergast.” Die Empörung über diese perverse Behauptung legte meine Erinnerung an jenes Erlebnis frei. Ich sah wieder das Gesicht dieser Frau. Ich konnte nicht länger schweigen.

Auftritte in der Öffentlichkeit sind mir eine Last. Aber ich muss das auf mich nehmen – nicht als “ Pflicht gegen das Vergessen”, sondern als Treue zur Erinnerung an jene Frauen and Männer, die vor meinen Augen ausgerlöscht wurden.

Als ich abtransportiert wurde, war ich sechzeln Jahre alt. Ich war unter den ungarischen Juden eine der ganz wenigen Zurückgekehrten.
Ich blieb verschont.
Ich bin am Leben.
Ich habe Ja zu meinem Leben gesagt.
Es ist für mich völlig klar, dass diese Todeserinnerung in ein Ja zum Leben verwandelt werden musste. Ich habe begriffen : Frieden wird nur sein, wenn jeder von uns Freude an seinem Leben gewinnt oder windergewinnt.
Bedachtsam blättere ich im Buch meines Lebens. Es enthält leere Seiten, vergilbte, verblasste und stille, die darauf warten, gelesen zu werden.
Das Morgen liegt un meinen Händen.

Mein Gedächtnis war eingefroren.
In einem langen Prozess der Verarbeitung ist es aufgetaut.
Heute werden meine Tage von den leuchtenden Farben des Herbstes erhellt. »

Magda HOLLANDER LAFON, Vier Stücken Brot.
Original title of the French first edition: Magda Hollander-Lafon; Quatre petits bouts de pain, Des ténèbres à la joie © Éditions Albin Michel, Paris, 2012
© German translation, 2013 by adeo Verlag in der Gerth Medien GmbH, Asslar, a division of Verlagsgruppe Random House GmbH, Munich, Translation: Michael Kogon; reprinted by kind permission of the publisher

Magda als Kind einer jüdischen Familie in Zahony, Ungarn, geboren.
Im April 1944 wurde sie mit 16 Jahren ins Konzentrationslager Auschwitz-Birkenau deportiert. 350 000 ungarischen Juden wurden dort sofort nach ihrer Ankunft umgebracht, darunter auch Magdas Mutter und ihre Schwester. Sie selbst überlebte, studierte und wurde Kinderpsychologin. 1950 in Brüssel christlich getauft, empfindet sie sich gleichzeitig aber auch wie vor als Jüdin. Sie hat vier Kinder und elf Enkelkinder.

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Fév 212015
 

magda-lafon-photo-sPLACE ET POSITIONNEMENT ETHIQUE DU TEMOIN DE LA SHOAH

Magda échange avec Gilles OLLIVIER, professeur d’Histoire-Géographie au lycée Chateaubriand de Rennes lors d’une journée organisée par l’association Universel Singulier le 30 octobre 2009. Notre ami a été 9 ans professeur au Collège des Chalais où il a mené plusieurs programmes pédagogiques autour de la mémoire.

– Magda, quel évènement t’a déterminé à t’engager à témoigner ?

En 1978, Darquier de Pellepoix, a dit : «A Auschwitz on a gazé que des poux ». A ce moment, je ne pouvais plus me taire. Le président de l’Association Jules Isaac pour l’Amitié Judéo-chrétienne m’a encouragée à intervenir. Prendre la parole est une véritable épreuve pour moi, mais je ne peux me dérober ; j’obéis non pas à un devoir de mémoire mais à une fidélité à la mémoire de ceux qui ont disparu devant mes yeux. Il m’est revenu qu’à Birkenau une mourante m’avait fait signe. Ouvrant sa main qui contenait quatre petits bouts de pain moisi, d’une voix à peine audible, elle m’avait dit : « Tu dois vivre pour témoigner de ce qui se passe ici. Tu vas le dire pour que cela n’arrive plus jamais dans le monde. ». Après, j’ai oublié cet événement. Le mensonge de Darquier de Pellepoix m’a révolté et me l’a rappelé. Voilà pourquoi je témoigne aujourd’hui

 – Et toi Gilles, comment reçois-tu cette mémoire ? Quel retour manifestent les jeunes après mon témoignage ?

Ta démarche de témoignage dans les classes s’inscrit dans une volonté de présence réelle d’un témoin et de l’enseignant qui mettent en œuvre à destination des adolescents l’acquisition d’un savoir, l’expérience de la rencontre et la connaissance de la singularité de la personne. Il s’agit ainsi d’amener chacune et chacun de nous à la conscience de l’importance des valeurs en matière d’humanité.

Le vécu est à la fois capital et délicat. Pour toi, à travers tes souvenirs et ta mémoire, lorsque tu dis aux adolescents rencontrés, à propos des camps d’extermination, que tu as survécu et non pas vécu. Pour eux, lorsque tu racontes avec émotion ton arrivée au camp de Birkenau avec ta mère et ta jeune sœur. Le présent de Birkenau, aujourd’hui, ici et maintenant, ne fait alors aucun doute.

La notion de traces est alors essentielle. Celles inscrites dans la chair et le corps, dans les cœurs et les esprits, celles aussi inscrites dans les paysages. Chaque mot, chaque photographie, la question du déplacement ou pas d’un groupe d’élèves à Birkenau et des enjeux révèlent alors le présent des camps d’extermination.

Mais l’importance des traces, c’est aussi celles créées par les adolescents après la ou les rencontre(s) avec toi. Pendant le projet de La Route de la Mémoire mené au collège public Les Chalais de Rennes en 2005-2006[1], les élèves-adolescents d’une classe de troisième ont été ainsi amenés à écrire et à transmettre auprès des autres, toutes générations confondues. La tâche est difficile car s’ils cherchent, personnellement et collectivement, à dépasser l’expression du « plus jamais cela », des questions se posent très vite : doit-on imposer le devoir de mémoire à ces enfants ; doivent-ils et peuvent-ils être, pour reprendre leur expression, des témoins de témoin ?…

A vrai dire, il a été primordial de laisser de la place à leurs créations afin qu’ils y dessinent des traces d’eux-mêmes à partir de ce qu’ils ont reçu et là où ils sont arrivés dans leur prise de conscience.

Ils se sont alors adressés aux habitants du quartier pour un échange en bibliothèque, qu’ils ont eux-mêmes animé, autour de trois ouvrages, fictions et témoignages ; ils ont introduit et conclut une conférence de Jacques Sémelin, professeur à Sciences Po. sur les usages politiques des massacres et génocides. Des adultes, dont certains de leurs parents, ont déclaré avoir pu aborder l’extermination des Juifs et des Tsiganes par cette transmission à rebours, les programmes scolaires d’avant les années quatre-vingt n’étant pas toujours clairs et précis à ce sujet. Ils ont enfin rencontré des élèves de CM2 auprès de qui ils ont partagé leur expérience de classe, leur expérience de vie en répondant à leurs questions.

Cette dynamique, cet engagement se sont nourris des dialogues avec toi, Magda, sur ton expérience des camps nazis, sur ton expérience de la vie.

 – Quelle différence fais-tu, Gilles, entre connaissance et savoir ?

Le savoir, indispensable et construit dans un souci d’objectivité, peut être froid. Rend-t-il nécessairement plus sensible à l’autre, nous engage-t-il irrémédiablement sur la voie de la responsabilité de l’autre ? Je ne le crois pas systématiquement. Que faire alors de l’écoute des autres et notamment des témoins, de l’écoute des élèves et des adolescents, qui permettent de prendre en compte l’intériorité de la personne ? Tu te souviens Magda, qu’il s’agissait sur La Route de la Mémoire, et je cite respectivement les écrivains Annie Ernaux et Jeanne Benameur, tout autant de « sauver quelque chose du temps où l’on ne sera plus jamais » que de faire en sorte que les paroles des adolescents « leur dessinent une place vivante dans le monde ». Dois-je ajouter qu’écouter ne signifie pas acquiescer, mais bien prendre en compte l’autre personne dans ses relations avec soi ?

La connaissance est une co-naissance. Il s’agit de naître, d’advenir ensemble par un engagement le plus authentique possible de soi.

Elle repose sur l’expérience personnelle de sa propre histoire et la conscience de son humanité et elle permet de développer sa responsabilité de l’autre et la responsabilité de sa propre histoire.

L’expérience de la transmission par la relation triangulaire adolescents-élèves, témoin, enseignant, permet à chacun ayant un rapport personnel et familial au passé, différent et plus ou moins développé, d’intégrer ce rapport dans l’histoire de l’humanité : diversité des histoires individuelles vécues, reconnaissance de la pluralité des points de vue et distanciation. Cette expérience, ici vécue dans le milieu éducatif, permet de passer d’une distinction entre Moi et Nous, vis-à-vis de ceux que l’on dénomme Eux, à un Nous plus englobant, sans discrimination.

Bien entendu, il s’agit de rester humble dans cette démarche tant la personne n’a pas assez de toute une vie pour poursuivre son cheminement vers soi et les autres, face à des épreuves individuelles et sociales.

En tout état de cause, devoir d’histoire de l’enseignant et devoir de mémoire du témoin, ou ce que tu préfères appeler Magda une fidélité à la mémoire de ceux qui ont disparu devant tes yeux, apportent du sens à l’adolescent dans son présent car le récit du témoin est un récit pour l’histoire au filtre d’une conscience tandis que la pratique de l’enseignement de l’histoire est de donner aux élèves des repères incontestables et de mettre en perspective, comparer, mettre en débat argumenté générateur d’analyse critique, de civilité et de réciprocité.

– Quelle place accordes-tu, Magda, à l’émotion dans ton témoignage ?

Pour moi, témoigner de ce qui s’est passé là-bas est très difficile, intransmissible. Et parler de tout cela, c’est me remémorer les événements inimaginables que j’ai subis. J’ai pu libérer ma mémoire encombrée et douloureuse de cet arsenal destructeur  -blessures d’humiliation, de haine, de culpabilité et une peur viscérale- pour retrouver en moi cette puissance de vie qui m’a permis de survivre et d’être là avec vous pour témoigner de cette Force de vie.

Ce chemin de pacification vers ma vie me permet de me dégager d’un poids immense, et de me restituer tout doucement à mon histoire personnelle, à mon identité, et de toucher en moi la vie que je suis. Aujourd’hui je ne me sens pas une VICTIME de la Shoah, mais un TEMOIN de la Shoah. Si je me sentais victime de la Shoah, je revendiquerais ma vie au lieu de la vivre. Comment pourrais-je prendre ma place dans un groupe sans consentir à ce chemin ?

Je ne vais pas rentrer dans le sens psychologique de l’émotion, ni l’analyser car elle a des couleurs très différentes selon chacun, mais je vais parler de mon émotion.

Bien sûr, quand je suis devant les jeunes, je suis envahie par une immense émotion. Quand je vois tous ces jeunes visages en devenir, je revois cette foule de jeunes rentrer dans les chambres à gaz et ne pas en ressortir. Là l’émotion monte en moi, imprévisible. Je m’y prépare avant de parler, mais elle peut surgir n’importe quand.

Dans les camps, pour survivre, j’ai dû refouler mes émotions. Une fois, lors d’une intervention devant les jeunes, je me suis effondrée devant eux et je leur ai dit : « Voyez, Hitler n’a pas eu raison de moi, il n’a pas tué l’humanité en moi. » Et j’ai accueilli l’émotion sans la refouler. Souvent nous avons honte de nos larmes ; les larmes ont une connotation de faiblesse. Pour moi, les larmes sont l’expression d’une fragilité qui est en fait une force. Si je n’avais pas pu accueillir et verbaliser mes émotions, j’aurais chargé ces jeunes du poids d’une mémoire uniquement douloureuse de ma vie. Alors que tout mon désir, c’est de transmettre une mémoire de façon à mobiliser chez chacun un appel à la vie.

Je ressens une immense responsabilité de ne pas charger les jeunes de la lourdeur de mon passé. La foi en la Vie reçue de l’Au-delà de moi inspire toute mes interventions. J’ai une foi et une immense confiance en tous ces jeunes qui sont en face de moi.

Ce qui est important pour moi, c’est de les CONSCIENTISER pour qu’ils deviennent vigilants et responsables de leur propre vie. Je leur dis : « DEMAIN, C’EST DANS LE CREUX DE VOTRE MAIN ».

– Peux-tu décrire Magda les étapes de ta démarche quand tu interviens auprès des jeunes ?

La transmission, pour moi, est un appel à la vie. Le danger serait d’enfermer la génération montante dans une mémoire uniquement douloureuse. J’essaie de conscientiser les jeunes, de les inviter par mes questions à ce qu’ils se sentent responsables de leurs paroles.

QUESTIONNAIRE AVANT NOTRE RENCONTRE :

Un juif est qui pour vous ?

En connaissez-vous ?
–          personnellement
–          par vos parents
–          par votre entourage

Si oui, quel type de relation avez-vous avec lui, avec eux ?

Avez-vous entendu des réflexions concernant les juifs ?

Lesquelles ? En quelles circonstances ? Qu’en pensez-vous ?

L’antisémitisme n’est qu’un aspect du racisme. Nous Côtoyons des étrangers : noirs, gitans, arabes, asiatiques…Comment les voyez vous ?

Voyez-vous une différence entre antisémitisme et racisme ?

Avez-vous été victimes de racisme ? Si oui, pouvez-vous préciser ?

Quelle différence faites-vous entre camps de concentration et d’extermination ?

Quelles questions aimeriez-vous poser personnellement à Magda ?

Nous dépouillons les réponses avec une dizaine d’élèves et leurs professeurs. La rencontre est alors riche d’échanges. Mon intervention se fait à partir de leurs questions.

QUESTIONNAIRE APRES NOTRE RENCONTRE

Comment avez-vous perçu la rencontre avec Magda Lafon ?

Y a-t-il des paroles qui vous ont particulièrement marqué ? Si oui, pouvez vous dire lesquelles ?

Il y a peut être des questions que vous avez en votre cœur et que vous n’avez pu formuler. Vous pouvez le faire ici.

Concrètement, que proposez-vous pour vous, autour de vous, au collège, avec vos amis et dans votre vie quotidienne pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme ?

Les professeurs prennent à ce moment là le relais.

– Gilles, après notre rencontre, en quoi ta transmission de l’histoire s’est-elle modifiée ?

J’ai été amené à me dire clairement qu’il n’y a pas d’histoire sans histoires personnelles. C’est ainsi que les adolescents se sentent concernés.

Les projets pluridisciplinaires qui ont suivi, liant plusieurs disciplines enseignées, enseignants et intervenants, donc plusieurs personnes avec non seulement des formations différentes mais aussi des sensibilités différentes, ont été menés en collège dans cet esprit : Migrations, mémoires d’adolescents, Écrire sa famille, écrire l’histoire, Itinéraires et identités, récits d’adolescents.

Cette fois-ci ce sont les adolescents eux-mêmes qui se sont retrouvés en travail sur leur mémoire familiale et personnelle dans un atelier d’écriture, dans le respect du droit à l’oubli, pour un partage de paroles mises en scène auprès d’un public autre que celui de l’institution scolaire, ce qui a rendu la démarche plus sensible et délicate à la fois.

Les objectifs étaient d’aider les adolescents à se construire positivement en (re)connaissant leur propre valeur et leurs propres importance et situation dans la société et l’humanité ; de faire le lien entre histoires de vie et histoire ; d’envisager le rapport entre fraternité et diversité par la relation aux autres et à soi même et une approche de l’histoire comme une culture commune, tout cela en lien avec les programmes de l’Éducation nationale.

Bref, il s’agissait d’une démarche intergénérationnelle, dans les deux sens, amenant les adolescents à réfléchir en même temps aux possibilités de l’héritage d’une mémoire et de faire de l’histoire.

Adolescents-élèves et enseignant se retrouvent ensemble sur le sens humain de l’enseignement de l’histoire car si l’écriture ou le récit de soi ne peuvent servir d’analyse historique, une histoire de vie est porteuse d’histoire.

Pour autant, l’enseignant, passeur vigilant entre mémoires et histoire, garant des échanges préparés par et avec les élèves, doit mettre en garde ceux-ci, citoyens et personnes en devenir, de la mise en concurrence des mémoires, de paroles, qui se voudraient exclusivement paroles de preuves.

Au moment de notre rencontre auprès des jeunes, nourris de mon expérience professionnelle, personnelle, familiale voire intime, je suis entré de plain-pied et de manière intentionnelle, dans le champ de l’éthique, cette morale de l’action, pédagogique ici. Je suis franchement entré dans cette expérience de la non évidence de la transmission et d’une éducation qui, comme l’écrit Philippe Meirieu, actualise peu à peu l’universalité ; dans la conscience que l’éducation est propice, dans le respect de la liberté de chacune et de chacun, par les échanges et les rencontres, l’accompagnement des adolescents-élèves, à l’élaboration du principe d’universalité.

 Te souviens-tu, Magda, de ces quelques mots d’élèves et de parents ?

– Florian : « Je pense qu’il faut faire face au passé et j’ai l’impression d’avoir progressé dans ma vie quotidienne, plus particulièrement dans le dialogue avec les autres ».

– Les parents de Lauren : « C’est une grande opportunité de pouvoir profiter d’une réflexion de groupe ainsi qu’individuelle sur des évènements à jamais gravés dans l’histoire de l’humanité. Lauren a été conduite à apprendre à communiquer et à trouver sa place un peu plus chaque jour dans le groupe.».

– Les parents de Lucille : « Le projet a amené Lucille à une grande réflexion et, nous le pensons, l’a aidé dans son avenir à faire les choix pour que plus jamais de telles choses ne se reproduisent ».

– Élodie : « Maintenant pour moi ce n’est pas fini, c’est un commencement».

 – Magda, comment ressens-tu les jeunes que tu rencontres ?

Je les ressens comme plein d’attente, de présence, de sensibilité et d’ouverture. Ils posent des questions très profondes. Ils sont habités d’une potentialité et d’une richesse personnelle, qui m’émerveillent.

Je les invite à changer leur regard sur eux-mêmes. Je leur dis : « Lorsque vous êtes témoins d’une situation que vous ressentez comme inacceptable, humainement injuste, faits-vous confiance. Discernez, choisissez et devenez responsables de votre choix. Transformez l’indifférence et l’ignorance. »

Combien, nous les adultes, nous avons aussi à changer le regard sur eux et à les prendre où ils sont, et pas là où nous voudrions qu’ils soient. J’ai une foi immense dans leur devenir.

Il nous reste maintenant à imaginer ensemble comment œuvrer, comment cultiver de vrais liens avec moins de peur, pour retrouver en nous l’espérance en l’humanité de l’homme afin de devenir des témoins vigilants aujourd’hui, là où nous sommes.

Vous êtes bâtisseurs et responsables de votre devenir.

Magda Hollander-Lafon, Gilles Ollivier

30 octobre 2009, Rennes

[1] On peut consulter à ce sujet le site : http://laroutedelamemoire.free.fr

Fév 122015
 

SHOUFANI« L’acceptation de l’autre tel qu’il est, dans ses souffrances comme dans sa joie, l’humilité qui consiste à se laisser illuminer par lui, tout cela devient naturel le jour où l’on a compris, la responsabilité, la co-responsabilité qui nous lit face à la vie.

L’éducation pour la paix, c’est l’art de la synergie des lumières, synergie qui crée du neuf, du différent, du vivant.

Si tu veux la paix, prépare la paix : fais venir l’autre dans ta propre maison, rends-lui visite dans sa famille, écoute-le, fais-le physiquement exister dans ta vie.

Au bout d’un temps, au-delà de toutes les difficultés traversées, tu constateras que la peur, origine de toutes les violences, est devenue un spectre qui s’est éloigné, éloigné jusqu’à se dissiper. »

Emile SHOUFANI, extrait d’Un Arabe face à Auschwitz de Jean Mouttapa.
Prêtre arabe israélien, il a élaboré un programme d’Education à la Paix au sein de l’école Almutran qu’il dirigea pendant plus de vingt ans au profit de jumelage avec une école juive de Jérusalem : toucher les jeunes puis à travers eux toucher les adultes…

On peut trouver le livre ici…

La Procure

Chapitre